Le blogue du Québec maritime

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Quai de la Pointe Basse, Îles de la Madeleine
Jonathan Gaudreau/Tourisme Îles de la Madeleine
Rencontrez l’identité culinaire des Îles de la Madeleine en savourant… le printemps!
Situées au cœur du golfe du Saint-Laurent, les Îles de la Madeleine forment un archipel québécois unique. Notre identité est profondément ancrée dans un mode de vie insulaire et façonnée par les influences multiples de ceux qui ont habité ou exploité nos terres et les eaux qui nous entourent, comme les Mi’gmaq, les Basques, les Écossais, les Irlandais et les Acadiens.
Nos méthodes de culture, d’élevage, de conservation et de cuisine sont influencées par ces particularités naturelles et culturelles. Nos aînés, tout comme nos jeunes, sont les gardiens de nos savoir-faire et de nos traditions, intimement liés à l’un des actes les plus fondamentaux : manger.
Bienvenue dans nos pantrys!
Comme partout au Québec, la saisonnalité joue un rôle crucial dans la définition des éléments phares de notre alimentation. Au-delà de ce que les visiteurs connaissent des Îles de la Madeleine, de savoureux secrets sont bien gardés dans nos potagers, garde-manger, congélateurs et carnets de recettes familiales. Nous avons ici un petit « je-ne-sais-quoi » culinaire qui nous rend uniques.
Le printemps est l'une des saisons les plus vivantes en termes de traditions. On ressent une grande fébrilité, parce que les activités économiques phares des Îles reprennent. Les bateaux sont remis à l’eau, la vie reprend sur les quais et, même si la chaleur tarde à venir – contrairement au reste du Québec –, on a l’impression que la communauté sort de l’hibernation. Quelques commerces reprennent du service, les travailleurs et travailleuses saisonniers reviennent, et les premiers visiteurs commencent à affluer, curieux de goûter à cette effervescence printanière.
Tout au long de cet article, vous découvrirez des termes et des expressions typiques des Îles de la Madeleine qui vous permettront de vous immerger encore plus dans notre culture. Ces mots feront l’objet d’un lexique en fin d’article pour vous aider à comprendre nos expressions colorées et uniques.
Le printemps aux Îles : mess de fruits de mer et fébrilité sur les quais
Le mois d’avril aux Îles sent à la fois la terre qui dégèle et le parfum iodé du large. Ce mélange d’odeurs annonce le coup d’envoi du printemps. La saison des pêches commence et suit toujours le même ordre : la pêche aux pétoncles débute à la fin mars puis, selon la température, le crabe arrive presque toujours à temps pour le long congé de Pâques. Enfin, le homard apparaît sur nos tables au mois de mai.
Dans les épiceries, les « spéciaux du pêcheur » sont à l’honneur et les boîtes à lunch se remplissent de petites saucisses en canisse, de pâtés à la viande et de sandwichs au fard d’homard. On y glisse aussi des galettes à la mélasse, à la cannelle, ou à trous faites maison « parce que ça goûte comme quand on était petits, quand on partait avec papa ou pépé su’ l’eau ».
Le jour de la mise à l’eau des cages à homard, tous les quais sont animés. Dans le village de Grande-Entrée, on célèbre aux petites heures du matin le coup d’envoi de la saison avec les festivités de la Misalo. On se rassemble ensuite pour le traditionnel déjeuner à l’Auberge La Salicorne. En 2025, on fêtera la 150e saison de pêche au homard aux Îles!
Dans les jours suivants, les usines de transformation tourneront à plein régime. On y décortiquera le crabe et le homard à la main, avec les mêmes gestes précis, adroits et rapides qui sont répétés depuis plus de 100 ans.
Les arrivages de crustacés frais sont aussi synonymes de rassemblements heureux en famille dans lesquels on se fait des mess de crabe ou de homard en coquille. On s’affaire aussi à faire des réserves. Pendant les corvées de homard, par exemple, les tables, soigneusement recouvertes de nappes en plastique, sont organisées en sections de travail et les tâches sont minutieusement réparties. Un délégué s’occupe attentivement de la cuisson (et tous les Madelinots vous le diront : « ne fais jamais cuire le homard avec les élastiques, ça gâche le goût ! »). Pendant ce temps, une équipe décortique et trie minutieusement pinces, bataillons, bras et petites pattes, qu’on écrase sous un rouleau à pâte pour en extraire la chair jusqu’à la dernière miette. Pas de gaspillage! On sauve aussi les œufs des femelles pour en faire du fard d’homard.
Traditions et savoir-faire
À la Pointe-Basse, dans le village de Havre-aux-Maisons, le printemps sent aussi le poisson fumé grâce au Fumoir d’Antan. Autrefois, quand les boucaneries foisonnaient sur le territoire, l’odeur du boucanage s’ajoutait aux premiers indices du printemps aux Îles. La boucanerie, véritable témoin de notre histoire culinaire, marque à sa façon le retour des beaux jours. Le Fumoir d’Antan, par son savoir-faire, contribue à préserver le souvenir et l’appartenance à notre patrimoine collectif.
Que ce soit pour l’abondance des saveurs maritimes ou pour découvrir des traditions culinaires uniques, les Îles de la Madeleine forment une destination idéale pour profiter d’un printemps gourmand! Si vous désirez en apprendre plus, nous vous invitons à consulter l’abécédaire « Bouilli d’histoires salées », une plongée moderne et vivante au cœur de l’archipel et de ses traditions alimentaires.
Lexique
Bataillon : Terme utilisé aux Îles de la Madeleine pour désigner la queue du homard.
Boucanerie : Aussi appelé fumoir, c’est un établissement où l'on fume traditionnellement du poisson. Aux Îles de la Madeleine, le terme est surtout associé au fumage du hareng, une activité économique majeure au XIXᵉ siècle. À son apogée, l’industrie comptait plus de 40 boucaneries sur le territoire, transformant annuellement jusqu’à 10 millions de livres de hareng.
Fard d’homard : Aussi appelé tomalli, le fard est préparé à partir des œufs de la femelle, du foie et d’un peu de chair. Sa saveur prononcée est appréciée en tartine ou pour rehausser les saveurs d’une recette.
Galette à la cannelle : Biscuit roulé fait avec de la cassonade et de la cannelle.
Galette à la mélasse : La galette à la mélasse est une pâtisserie moelleuse et légèrement épicée, faite à base de mélasse. Autrefois largement utilisée par les Madelinots pour sa longue conservation et son accessibilité, à une époque où le sucre raffiné était plus rare, la mélasse demeure un ingrédient phare des recettes traditionnelles d’aujourd’hui.
Petites saucisses en canisse : Saucisses en conserve, précuites et fumées, de texture lisse et tendre, souvent consommées sur le pouce. Elles sont particulièrement populaires aux Îles de la Madeleine dans les lunchs des pêcheurs ou en collation sur la plage.
Mess (nom, masculin) : Dans ce contexte, mess fait référence à un festin impliquant une très grande quantité de homard ou de crabe, souvent partagé en famille ou entre amis.
Misalo (nom, féminin) : Nom de la fête traditionnelle du village de Grande-Entrée, marquant le début de la saison de pêche au homard. Son nom vient de « mise à l'eau », en référence au moment où les pêcheurs mettent leurs cages à l’eau pour la première fois de la saison.
Pantry (nom, féminin) : Mot anglophone signifiant garde-manger, couramment utilisé aux Îles et prononcé avec un accent francophone.
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