Le blogue du Québec maritime
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L'Empress of Ireland avant 1910
University of Glasgow
Des événements qui ont marqué l'histoire du Québec maritime
Pendant des siècles, le golfe et le fleuve Saint-Laurent ont été sillonnés par de nombreux Européens à la recherche de ressources telles que la fourrure et la morue. Si certains y trouvent un havre de paix, plusieurs y vivent l’isolement et affrontent des mers aussi belles que cruelles. Coup d’œil sur quelques événements phares de cette histoire maritime.
Un premier poste de traite, 1600 (Tadoussac, Côte-Nord)
Au moment où le commerce canadien des pelleteries connaît une grande extension, un capitaine normand, Pierre Chauvin de Tonnetuit, implante en 1600 un premier poste de traite des fourrures au Canada. Il choisit Tadoussac (du nom innu Tatouskak), un lieu stratégique situé à proximité d’un havre et au confluent du Saint-Laurent et du Saguenay. Depuis un demi-siècle, Tadoussac sert de poste de pêche et de lieu de traite des fourrures entre les Européens et les Innus.
Toutefois, le projet de Chauvin ne donne pas de résultats concluants. La région convient peu à l’établissement de colons en raison de la pauvreté du sol et des rigueurs de l’hiver. Ainsi, des seize hommes qui y séjournent durant le premier hiver, seulement cinq survivent. Son entreprise commerciale prend fin en 1602.
Huit ans plus tard, Champlain profitera de l’expérience de Chauvin à Tadoussac pour choisir Québec comme lieu plus propice au commerce et à l’établissement de colons.
À visiter : la maison Chauvin, une réplique du poste de traite, ainsi que la chapelle de Tadoussac.
Anticosti au temps de Menier, 1895 (Côte-Nord)
Telle une sentinelle dominant l’entrée du Saint-Laurent, l’île d’Anticosti s’aligne comme un joyau naturel d’une superficie de 7 943 km2, ce qui en fait la plus grande île au Québec.
En 1895, Henri Menier, richissime homme d’affaires français et propriétaire des chocolateries Menier, achète l’île d’Anticosti au coût de 125 000 $ pour en faire un vaste domaine de chasse et de pêche.
Il développe English Bay qu’il rebaptise Baie-Sainte-Claire en mémoire de sa mère et aménage à baie Ellis ce qui sera le village de Port-Menier. Pour y accueillir ses invités, le chocolatier se fait construire un pavillon de chasse de grande classe dont l’architecture s’inspire des styles norvégien et normand.
Menier introduit sur l’île une harde de 220 cerfs de Virginie qui, sans prédateurs naturels, sont aujourd’hui plus de 115 000. Avec les autres espèces importées sur l’île (castors, orignaux, caribous, lièvres) et la qualité de ses rivières et lacs, elle est devenue et demeure aujourd’hui un royaume de chasse et pêche des plus convoité.
À visiter : le parc national d’Anticosti, l’écomusée d’Anticosti à Port-Menie et, à Baie-Sainte-Claire, les ruines de quelques maisons témoignant du premier village que Menier aménagea sur l’île en 1895.
Accès aux nouvelles du monde par la Station Marconi, 1904 (Pointe-à-la-Renommée, Gaspésie)
Pointe-à-la-Renommée surplombe la mer sur le littoral nord gaspésien et compte parmi les plus beaux paysages maritimes du Québec. Pratiquement coupée du monde, cette pointe sera pendant longtemps accessible que par la mer.
Après de nombreux naufrages survenus le long des côtes gaspésiennes, les autorités canadiennes y installent un premier phare en 1880. Ce choix répond à l’urgence d’accroître la sécurité de la navigation dans le détroit d’Honguedo, séparant l’île d’Anticosti de la péninsule.
En 1902, voulant améliorer les communications maritimes, le premier ministre canadien Sir Wilfrid Laurier signe une convention avec Guglielmo Marconi, inventeur de la télégraphie sans fil (TSF), qui prévoit la mise en place d’un premier réseau de stations de radiotélégraphie maritime au pays. Ainsi, la première station côtière de TSF sur le continent américain est installée près du phare de Pointe-à-la-Renommée en 1904. Cette station Marconi et les autres qui suivront sauveront bien des vies lors de catastrophes maritimes.
À visiter : le site historique de Pointe-à-la-Renommée au panorama impressionnant, le deuxième phare (1907), la reconstitution de la maison-phare (1880) et de la station Marconi, cette dernière reconnue en 2011 « Événement historique national du Canada ».
Le ponchon pour vaincre l’isolement aux Îles de la Madeleine, 1910
Trônant au cœur du golfe du Saint-Laurent, l’archipel des Îles de la Madeleine s’est retrouvé au cours de son histoire plus d’une fois coupé du reste du monde, notamment durant les mois d’hiver.
C’est le cas en janvier 1910 lorsque le câble sous-marin du télégraphe se rompt, plaçant les habitants sans communication avec l’extérieur. On convient alors d’envoyer du courrier et un message de secours aux autorités politiques dans un tonneau, un ponchon, lancé à la mer. Muni d’un gouvernail et d’une voile portant l’inscription « Winter Magdelen Mail », le ponchon est mis à la mer, libre de glace, le 2 février depuis la dune de Sandy Hook à Havre-Aubert. Laissé aux bonnes grâces des courants et des vents qu’on souhaite favorables, ce bateau nouveau genre atteint dix jours plus tard Port Hastings en Nouvelle-Écosse.
Parmi le courrier, se trouve une lettre d’une dame à son cousin : « Je confie ces lignes au hasard des flots, […] des larmes s’échappent malgré moi en te traçant à la course ces lignes qui doivent franchir si crânement les limites périlleuses qui nous séparent du reste des humains. »
L’aventure du ponchon aura une incidence sur l’implantation aux Îles, en 1912, d’une station Marconi de télégraphie sans fil.
À visiter : le Musée de la Mer où y est exposée une réplique du ponchon et son histoire.
Le catastrophique naufrage de l’Empress of Ireland, 1914 (Pointe-au-Père, Bas-Saint-Laurent)
Au début du 20e siècle, chaque printemps, le transport maritime bat son plein sur le Saint-Laurent.
Depuis 1906, le paquebot Empress of Ireland, fleuron de la Canadian Pacific Steamship Company, assure la liaison régulière entre Québec et Liverpool (Angleterre). Réputé pour sa vitesse et son confort, il en est à sa 192e traversée de l’Atlantique quand il quitte le port de Québec le 28 mai 1914 avec ses 1 477 passagers. Après un arrêt à Pointe-au-Père, le paquebot reprend la mer dans la nuit vers 1 h 20. Trente-cinq minutes plus tard, le navire, enveloppé d’un épais brouillard, est percuté au centre de son flanc droit par le charbonnier norvégien Storstad. L’énorme brèche de quatre mètres par quatorze causée par l’impact laisse entrer 60 000 gallons d’eau à la seconde. L’Empress of Ireland ne prendra que quatorze minutes à couler au fond, entraînant dans la mort 1 012 personnes.
Ce naufrage s’avère la plus importante catastrophe maritime dans l’histoire du pays et la quatrième sur le plan mondial en temps de paix.
À visiter : le Musée Empress of Ireland et le Hangar 14 sur le Site historique maritime de la Pointe-au-Père.
Le golfe et le fleuve Saint-Laurent occupent une place de choix dans l’histoire tant comme porte d’entrée au pays que comme territoire ressource par excellence. Ses habitants, des insulaires et des côtiers, ont appris avec beaucoup d’ingéniosité à vaincre leur isolement et à développer une joie de vivre et un sens de l’hospitalité auxquels on ne peut rester insensible.
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