Le blogue du Québec maritime
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Parc national Forillon
Dany Vachon/Tourisme Gaspésie
Gaspé, la fin des terres
Suivez le guide!
Enfant, je m’entendais bien avec la rose des vents. J’habitais Gaspé Nord (ancien comté fédéral qui correspond maintenant à la Haute-Gaspésie). Devant notre maison, de l’autre côté de la mer, on savait qu’il y avait la Côte-Nord, et derrière, après 2 heures de voiture, on arrivait dans Gaspé Sud (mieux connu comme le secteur de la Baie-des-Chaleurs aujourd’hui). Ça rendait les choses simples : si devant c’était le nord et derrière le sud, l’ouest était à gauche et l’est à droite. Un constat éclairé qui m’amena dès lors à poser la pierre angulaire de mes certitudes géographiques : quand je suis au bord de la mer, je fais face au nord! C’est tout ce qu’il faut pour vivre rassurée! C’était avant d’aller à Gaspé…
Parce qu’à Gaspé, il y a la mer partout! Gaspé, nommée « Gespeg » par la nation Mi’gmaq, signifie : « là où la terre prend fin », et est effectivement située sur la pointe de l’immense péninsule gaspésienne. Alors si pour vous, « partir en vacances » veut dire aller vers de multiples horizons et perdre ses repères, vous serez choyé à Gaspé! On y perd le nord et c’est tant mieux!
De l’eau partout
Séjourner à Gaspé nous mène de surprise en surprise pour le plus grand bonheur des yeux! Le réputé parc national Forillon tire sa révérence par une longue presqu’île qui constitue le bout du bout de la péninsule. Telle une fine flèche de roc avec ses falaises, elle avance dans le golfe du Saint-Laurent sur 8 km jusqu’à Cap-Gaspé, et pointe en direction de l’île de Terre-Neuve.
Le côté sud de la presqu’île borde la grandiose baie de Gaspé, impressionnante échancrure du littoral de 40 km de profondeur par 9 km en largeur, régulièrement visitée par les phoques et les baleines. Puis, viennent se jeter dans la baie trois majestueuses rivières – Darmouth, York et Saint-Jean – où remontent sans s’étonner les saumons de l’Atlantique. Leurs vastes estuaires nous donnent à contempler parmi les plus importants milieux humides de la péninsule, mosaïques complexes de marais salés et marécages, lagunes, chenaux, barachois et flèches littorales qui changent le décor avec les marées.
Les grands bancs de morue et les débuts de l’Amérique française
Notre côte de Gaspé a ce pouvoir de marquer l’imaginaire collectif depuis belle lurette… Et pour cause! Dès le début du XVIe siècle, l’immense mer intérieure qu’est le golfe du Saint-Laurent s’est révélée aux chasseurs de baleines basques et bretons. En plus des baleines, ils y trouvèrent rien de moins qu’un « gisement » de morues qui changea le cours de l’histoire en lançant l’épopée des pêches françaises sur les bancs de Terre-Neuve, dont faisait partie la pointe de la péninsule. C’est en suivant la trace de ces pêcheurs que l’explorateur Jacques Cartier, en quête d’un nouvel eldorado pour le compte de François Ier hissa le drapeau de la royauté française et planta sa mythique croix sur la pointe de Penouille, dans la baie de Gaspé en 1534. L’historien gaspésien Jules Bélanger dira en souriant : « Curieux de penser que c’est, en partie, à la morue que nous devons de parler français aujourd’hui ».*
Ces mêmes pêcheurs seraient à l’origine d’un procédé particulier de séchage et de salage repris ensuite par les commerçants jersiais du régime anglais. À la manière d’une véritable appellation d’origine contrôlée, la marque de commerce Gaspé Cured a toujours cours aujourd’hui sur les marchés internationaux! Comment ne pas être célèbre? C’est précisément cette époque des monopoles jersiais dont il est question au site patrimonial de Grande-Grave, dans le parc national Forillon. Un incontournable!
Le havre de Gaspé : quand la géographie fait l’histoire
Les deux longues flèches littorales que sont Penouille (1,8 km) et Sandy Beach (3,2 km) ont créé dans la baie de Gaspé un immense havre que les Basques avaient d’ailleurs nommé « Geizpe » : lieu de refuge.
Au milieu du XIXe siècle, Gaspé devint un port franc suite à un traité de libre-échange avec les États-Unis. Plaque tournante du commerce, la démographie y est multipliée de 600 %, des centaines de bateaux sont en mouillage dans la baie annuellement, pendant qu’une dizaine de consulats de pays étrangers gèrent ce nouveau trafic commercial. La frénésie dura à peine dix ans. À la suite de la nouvelle constitution canadienne de 1867, Halifax en Nouvelle-Écosse sera préférée à Gaspé.
Puis vinrent les deux grandes guerres mondiales. Vu sa grande qualité de mouillage, dès l’automne 1914, la baie de Gaspé accueillera dans son havre un convoi extraordinaire de 31 paquebots de gros tonnage en provenance de Québec chargés de matériel militaire, de chevaux et du premier contingent de 31 200 soldats canadiens. Une fois la grande armada regroupée, la colossale flotte quittera le golfe du Saint-Laurent en direction de l’Angleterre.
L’histoire se répète lors du deuxième conflit. Gaspé sera désignée base navale canadienne dont la principale fonction sera la détection et la destruction des sous-marins allemands dans le Saint-Laurent. L’installation d’un imposant filet anti-sous-marin protégeant le havre des ennemis marque encore les esprits aujourd’hui. Une visite du site patrimonial de Fort-Péninsule au parc national Forillon vous racontera toute l’histoire.
Prévoyez prendre tout votre temps
J’arrive au bout de mes lignes, et j’aurais tellement encore à vous raconter tant l’histoire naturelle, culturelle et patrimoniale de Gaspé est vaste. Petite ville côtière de 15 000 habitants, elle offre tout ce qu’il faut pour que notre cœur y reste attaché…
Une visite du Musée de la Gaspésie s’impose. Vous y découvrirez entre autres, à travers des expositions permanentes et temporaires, la vie des Gaspésiens, leur culture, leur histoire et leur art. Saviez-vous que François Mitterand a déjà prononcé un discours à Gaspé? Un amphithéâtre extérieur sur le site du musée porte d’ailleurs son nom! Attirés par la haute croix de granite de Cartier, vous irez volontiers vous balader sur le site Berceau du Canada, en bordure du grand bassin de la rivière York, au cœur de la ville.
À coup sûr, vous passerez du temps sur les longues plages des barachois de Penouille et Sandy Beach pour le repos, les oiseaux, la baignade et la beauté des décors. Vous vous précipiterez pour réserver votre croisière d’observation des mammifères marins avec les Croisières Baie de Gaspé (Deux! J’y ai déjà observé et entendu deux baleines bleues venues se prélasser dans la baie!).
De même, vous serez interpellés par le Site d’interprétation Micmac de Gespeg, où vous plongerez dans l’univers fascinant de ce peuple des Premières Nations. Peut-être profiterez-vous du magnifique Festival Musique du Bout du Monde, en totale alliance « culture-nature ». Imaginez les vibrations de la musique sur le cap Bon-Ami au lever du soleil!
Sans compter les nombreux sentiers de randonnée pédestre côtiers et forestiers du parc national Forillon. Vous pourrez vous targuer d’avoir marché sur le Sentier international des Appalaches – Québec, long de 650 km, qui commence ou termine à Cap-Gaspé. C’est d’ailleurs là où vous serez en présence du phare de Cap-Gaspé, une des trois sentinelles maritimes existantes dans les limites de la ville. Le second, le phare de Cap-des-Rosiers est impossible à manquer, puisqu’il est le plus haut au Canada. Et le petit dernier, le phare de Pointe-à-la-Renommée est juché sur une terrasse accrochée à la montagne qui surplombe la mer. Un paysage idyllique à garder pour la fin.
Allez, cochez déjà une date à votre calendrier et dessinez-y plein de soleils. Lieu de refuge s’il en est un, la grande baie de Gaspé est pleine de promesses…
*Source: « Les terres-neuvas, ces marins méconnus », Monique Durand, Le Soleil, 31 décembre 2005.
(1) commentaire
Rogers Fournier
Tu m'épates. Tu as une belle plume. Le Pince Farine n'est plus comme avant. Il n'y a plus de Gasse dans notre village... La vie évolue en mieux ou en mal, c'est selon... Belle journée.