Le blogue du Québec maritime
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La petite Chapelle des Indiens
Thibault Touzeau / Travel Me Happy
Tadoussac : une rencontre avec l’histoire
Suivez le guide!
Tadoussac, ce charmant petit village de la Côte-Nord logé au creux d’une des plus belles baies au monde, est reconnu comme étant un des meilleurs endroits pour faire l’observation des cétacés. Mais Tadoussac, ce n’est pas juste une histoire de baleines. C’est aussi un lieu historique, témoin de notre riche passé, à découvrir grâce à plusieurs sites d’interprétation. Je vous invite à y faire un petit voyage dans le temps.
8 000 ans de présence autochtone
Pour se rendre à Tadoussac, on peut prendre le traversier en provenance de la rive sud, ou suivre la route à partir de la région du Saguenay (route 172) ou de Charlevoix (route 138). Saviez-vous que le dernier tronçon de la route 138 avant d’arriver à Baie-Sainte-Catherine fut récemment rebaptisé « La Route de la Grande Alliance » en référence à l'Alliance franco-amérindienne de 1603?
Cette alliance est importante dans l’histoire de la Nouvelle-France. En 1603, en face de Tadoussac, à la Pointe-aux-Alouettes, deux explorateurs français, François Gravé Du Pont et Samuel de Champlain, ont fait alliance au nom du roi de France avec le grand Sagamo, le chef Montagnais Anadabijou et ses alliés. C’est la première entente de la sorte entre Français et Autochtones.
© Mathieu Dupuis
On estime aujourd’hui que l’occupation du territoire par les peuples autochtones remonterait à près de 8 000 ans. Le peuple innu venait à cet important carrefour des eaux pour pêcher. On y faisait aussi des rencontres et des échanges avec les autres peuples des Premières Nations qui pêchaient dans la région. Les Innus appelaient l’endroit « Totouskak ».
La Nouvelle-France à Tadoussac
En 1600, Pierre de Chauvin fait le choix de Tadoussac pour construire la première habitation permanente, le premier poste de traite au Canada. Pendant plus d’un siècle, les bateaux français s’arrêtaient à Tadoussac. Après la longue traversée, les grands voiliers y remplissaient leurs cales de fourrures et de poissons. Et c’est ici que débarquaient des missionnaires religieux. On retrouve leurs traces devant la plage, où on peut encore visiter aujourd’hui la plus ancienne chapelle de bois en Amérique du Nord qui date de 1747 et qui est surnommée la petite Chapelle des Indiens.
Gauche : © Bibliothèque et Archives du Canada / Droite : © Jean-François Gratton, guide touristique
1600 - La première habitation permanente et poste de traite français. Le poste Chauvin.
Avant de fermer définitivement, le poste de traite français est passé aux mains de la Compagnie de la Baie d’Hudson. C’était le comptoir exclusif de traite du « Domaine du Roy », un vaste territoire interdit de colonisation qui s'étendait jusqu'au Labrador. Il est possible aujourd’hui de visiter une reproduction du poste de traite Chauvin, situé à son emplacement d’origine, face à la plage. On y raconte l’histoire des premières rencontres et de la traite des fourrures avec les Autochtones.
© Archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson
1851 - La Compagnie de la Baie d’Hudson ferme définitivement son poste de Tadoussac après 20 ans d’opération consécutive.
Le bois et la pêche comme moteurs économiques
De nos jours, la route 138 enjambe le fjord du Saguenay à l’aide d’un traversier, pour arriver à l’Anse à l’Eau. C’est à cet endroit qu’en 1838, un chef de file de l’industrie forestière, la compagnie Price, construit la première scierie à vapeur de la région. Une plaque en marque l’emplacement. Cette scierie fait partie d’un ensemble d’une vingtaine de bâtiments (certains existent toujours) construits par Monsieur William Price. Un des plus remarquables, en montant la côte vers le village, est celui au toit noir au-dessus duquel on remarque une tour carrée vitrée. Une construction aux allures victoriennes. Le bâtiment principal de l’Hôtel Georges serait en effet un des bâtiments de la scierie Price. L’épopée de la scierie qui a contribué à la croissance du village ne durera que 10 ans.
Tout près du quai de la traverse, on retrouve la station piscicole, un établissement gouvernemental servant à protéger les stocks de saumons et d’ouananiches, une espèce de saumon d’eau douce. C’est David Price, le fils, un passionné de pêche au saumon, qui est à l’origine de sa création.
La visite du Prince
Me croiriez-vous si je vous disais que le même David Price fut l’hôte du jeune prince de Galles, pour une sortie de pêche sur la rivière Sainte-Marguerite tout près de Tadoussac? C’était en 1860. À Montréal se termine la construction d’un ouvrage de grande importance, le Pont Victoria. On aurait bien aimé que la souveraine de l’empire se déplace pour inaugurer le pont qui porte son nom, mais Sa Majesté la reine va plutôt envoyer son fils, le futur Roi d’Angleterre, Edouard VII. Il va venir inaugurer le pont, mais laissera une trace de son passage tout près de Tadoussac.
Le navire à bord duquel il prenait place, le HMS Hero, fierté de la marine anglaise, va se frotter sur un haut fond qui n’avait jamais été répertorié sur les cartes de l’amirauté. On le baptisera le « Prince Shoal ». Aujourd’hui, on peut voir au loin le phare du Haut-fond-Prince qu’on surnomme « la toupie ». Il annonce la présence de ce danger à environ neuf kilomètres au large de Tadoussac.
© Lincoln Financial Foundation Collection / © Jean-François Gratton, guide touristique
1860 - Le Prince de Galles quitte Plymouth pour le Canada à bord du HMS Hero.
Les vacanciers en somptueux bateaux à vapeur
Vers les années 1850, c’est le début du tourisme de villégiature. Partant des villes de Québec et de Montréal, des compagnies de navigation offrent des croisières en somptueux bateaux à vapeur vers le majestueux fjord du Saguenay. C’est la période des grands bateaux blancs.
Gauche : © Canada Steamship Lines Ltd. / Droite : © The Valentine & Son Publishing Company Ltd
1966 - L’année où la Canada Steamship Lines cesse ses activités de croisières vers le Saguenay.
En 1860, on voit apparaître la première résidence d’été en haut de la falaise du côté est de la baie. Ce sont des amis de la famille Price qui font ériger de belles résidences avec vue, sur la rue des Pionniers à la hauteur du terrain de golf. Plusieurs de ces familles sont encore propriétaires à Tadoussac. En 1864, certains de ces riches propriétaires s’unissent pour construire le premier Hôtel Tadoussac. Trois ans plus tard sera construite la petite Chapelle Protestante au toit vert.
Reculons un instant à la période victorienne. Imaginez les riches vacanciers qui débarquent de leur croisière au quai de l’Anse à l’Eau. Les dames en robes longues d’époque avec leurs grands chapeaux, les hommes en habits sur le quai. L’hôtel à mis à leur disposition des voiturettes à cheval pour leur éviter de monter la côte à pied avec leurs bagages.
L’hôtel iconique au toit rouge fut rénové deux fois, puis démoli et reconstruit en 1942. C’est le président de la Canada Steamship Lines, l’homme d’affaires William Hugh Coverdale, qui est à l’origine de cette importante reconstruction ainsi que de la reconstitution du poste de traite Chauvin. Il est possible d’observer une partie de la collection Coverdale et plusieurs photos historiques dans le lobby et dans la grande salle à manger de l’Hôtel Tadoussac.
Devant l’établissement, derrière la petite chapelle des Indiens, vous verrez une maison seule sur le flanc de la falaise. Elle est arrivée par goélette en pièces préconstruites et assemblées sur place en 1873 pour le compte d’un certain Frederick Hamilton-Temple-Blackwood. Lord Dufferin, ça vous dit quelque chose? Si vous avez marché devant le Chateau Frontenac, à Québec, vous étiez sur la terrasse Dufferin. Lorsque vous marcherez sur la promenade devant l’Hôtel Tadoussac, vous verrez la résidence d’été du Gouverneur Général du Canada, Lord Dufferin!
Gauche : © Canada Steamship Lines Ltd. / Droite : © Jean-François Gratton, guide touristique.
1864 - Naissance du premier Hôtel Tadoussac devenu aujourd’hui iconique #InsTadoussac
En marchant de l’hôtel vers le quai, on peut voir à droite, dans la courbe, le Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM). On y observe une formation de roche naturelle qui à l’époque servait de cale sèche qu’on remplissait naturellement avec les marées. C’était la Cale sèche d’Armand Imbeau, constructeur de navires à Tadoussac avant la Deuxième Guerre mondiale. La Société des traversiers du Québec a d’ailleurs nommé l’un de ses bateaux qui fait la liaison entre Baie-Saint-Catherine à Tadoussac en son honneur.
Aujourd’hui, ce sont surtout les bateaux de croisières aux baleines qu’il est fréquent d’apercevoir aux alentours du village. Lorsqu’on revient d’une de ces excursions, après avoir observé ces géants des eaux, la belle baie de Tadoussac nous accueille, son histoire encore bien visible de loin avec son hôtel au toit rouge, sa chapelle et son poste de traite. Ici, plus de 400 ans d’histoire s’offrent à vous et nous rappellent que ce n’est pas d’hier qu’on a vu des baleines à Tadoussac...
© Jean-François Gratton, guide touristique
« … et n’est mémoire de jamais avoir tant vu de baleines que nous vîmes cette journée… »
– Jacques Cartier (Bref récit de la navigation de Cartier au Canada 1535-1536)
(1) commentaire
Bernard Delannoy
Ca donne envie d'y aller!